
Avec le vieillissement rapide de la population, l’ensemble des pays européens se retrouve confronté à un défi majeur : assurer une prise en charge digne et soutenable de la dépendance liée au grand âge. Au-delà du financement des retraites, c’est toute l’organisation des soins de longue durée qui doit être repensée pour répondre à une demande croissante.
Une démographie européenne en mutation
Selon les projections d’Eurostat, la part des personnes âgées de 65 ans et plus passera de 21,3 % en 2023 à 32,5 % en 2100. Quant à la tranche des plus de 80 ans – souvent associée à la perte d’autonomie – elle devrait doubler, passant de 6 % à plus de 12 % en 2050, puis 15,3 % à l’horizon 2100.
Dans le même temps, la population active tend à diminuer. Le taux de dépendance économique (65 ans et plus / 20-64 ans) pourrait atteindre 59,7 % en 2100, contre 33,4 % actuellement. Cela signifie que moins de deux actifs devront financer la protection sociale d’un retraité, contre presque trois en 2020.
Des besoins de soins en forte augmentation
Cette évolution démographique génère mécaniquement une hausse de la demande en soins de longue durée : assistance à domicile, accompagnement médicalisé, tâches ménagères ou encore soutien psychologique. Près de la moitié des personnes âgées de plus de 65 ans sont déjà confrontées à une forme de handicap ou de limitation d’activité.
D’ici 2050, la Commission européenne prévoit une augmentation de 23,5 % des besoins de prise en charge, ce qui représenterait plus de 38 millions de personnes concernées.
Des modèles de prise en charge contrastés en Europe
Les réponses varient fortement selon les pays, en fonction de leur modèle social, de leur culture familiale et de leur niveau de dépenses publiques.
1. Assurance dépendance obligatoire (Allemagne, Luxembourg, Pays-Bas)
Ces pays ont mis en place un système d’assurance dépendance, financé par des cotisations sociales. Employeurs et salariés y contribuent conjointement, permettant une prise en charge large et structurée.
2. Système universel financé par l’impôt (Pays nordiques)
En Norvège, Suède, Finlande et Danemark, les soins sont intégrés au système de santé public. L’accompagnement social et médical est assuré par les collectivités locales, dans une logique universelle.
3. Soutien familial prédominant (Europe du Sud)
En Italie, Espagne ou Portugal, les familles prennent en charge la dépendance. Le soutien public est souvent limité, ce qui engendre des inégalités selon les revenus.
Comparatif européen – Proportion de personnes âgées dépendantes et dépenses de soins de longue durée (en % du PIB)
- Pays-Bas : 10 % de personnes âgées dépendantes | 3,1 % du PIB consacré aux soins
- Suède : 8 % | 2,8 % du PIB
- Allemagne : 25 % | 2,5 % du PIB
- Belgique : 17,5 % | 2,4 % du PIB
- Danemark : 9 % | 2,2 % du PIB
- France : 22 % | 2 % du PIB
- Finlande : 15 % | 1,8 % du PIB
- Espagne : 14 % | 1 % du PIB
- Italie : 20 % | 0,9 % du PIB
- Portugal : 23 % | 0,5 % du PIB
- Moyenne UE : — | 1,9 % du PIB
Focus France : un modèle en transition
La France présente l’un des taux les plus élevés d’accueil en EHPAD parmi les pays européens, avec 21 % des plus de 85 ans concernés. Pourtant, le coût moyen mensuel en établissement atteint 2 908 euros, soit près du double d’une pension moyenne.
En réponse, les autorités ont lancé en 2024 une nouvelle stratégie de “bien vieillir”, axée sur :
- La prévention de la perte d’autonomie
- Le renforcement des aides à domicile
- La création d’une carte professionnelle pour les aidants
Conclusion : vers un nouveau pacte social européen
Face au vieillissement massif, la dépendance devient un enjeu central des politiques publiques. Pour répondre efficacement aux besoins du grand âge, l’Europe devra :
- Mieux anticiper les évolutions démographiques
- Assurer la pérennité du financement
- Valoriser les métiers du soin
- Harmoniser les dispositifs selon les meilleures pratiques observées
Le maintien à domicile, la digitalisation des services et la prévention seront autant de leviers à mobiliser pour faire face à cette transformation sociétale majeure.