La clause bénéficiaire démembrée : comprendre ses enjeux civils et fiscaux

Attribuer l’usufruit et la nue-propriété des capitaux issus d’un contrat d’assurance-vie à des bénéficiaires distincts est une stratégie patrimoniale efficace. Cette démarche, appelée clause bénéficiaire démembrée, permet de répartir les droits entre usufruitier et nu-propriétaire, créant des effets particuliers lors du dénouement du contrat.

Noémie Cabo, ingénieure patrimoniale et financière, nous explique les implications civiles et fiscales de ce mécanisme.

Démembrement des capitaux : conséquences juridiques

Lorsque le contrat d’assurance-vie arrive à son terme, les capitaux sont démembrés. En principe, cela entraîne la création d’un quasi-usufruit :

  1. Rôle de l’usufruitier :
    • L’usufruitier reçoit l’intégralité des capitaux et dispose des sommes comme un plein propriétaire.
  2. Rôle du nu-propriétaire :
    • Le nu-propriétaire détient une créance de restitution qu’il pourra réclamer lors de la succession de l’usufruitier.

Cependant, le stipulant peut déroger à ce principe en imposant une cogestion des capitaux entre usufruitier et nu-propriétaire. Dans ce cas, les sommes sont investies sur un actif (immobilier ou financier) détenu en démembrement :

  • Usufruitier : perçoit les fruits du placement (loyers, dividendes, plus-values).
  • Nu-propriétaire : conserve un droit direct sur l’actif et devient pleinement propriétaire au décès de l’usufruitier.

Avantages civils : protéger tout en transmettant

Le quasi-usufruit

Ce mécanisme assure une grande souplesse pour l’usufruitier, souvent le conjoint ou un enfant :

  • Liquidités disponibles : L’usufruitier peut disposer librement des capitaux.
  • Transmission préservée : Les nus-propriétaires, souvent les descendants, héritent via la créance de restitution.

Cependant, cette transmission dépend de la suffisance de l’actif successoral de l’usufruitier au moment de son décès.

Le démembrement cogéré

Ce dispositif offre une alternative pour éviter que les capitaux ne soient dilapidés :

  • Sécurisation des fonds : Les capitaux restent investis sur un actif déterminé.
  • Transmission directe : À la mort de l’usufruitier, le nu-propriétaire devient automatiquement plein propriétaire, sans passer par la succession.

Avantages fiscaux : optimiser les droits de succession

En cas de quasi-usufruit :

  • La créance de restitution du nu-propriétaire est inscrite au passif de la succession de l’usufruitier.
  • Plus l’actif successoral de l’usufruitier est élevé, plus cette déduction réduit les droits de succession, surtout dans les tranches hautes du barème fiscal.
  • À noter : Ce dispositif reste pleinement efficace et n’est pas concerné par les restrictions introduites par l’article 774 bis du Code général des impôts en 2024 (qui limite les avantages fiscaux pour certaines donations en quasi-usufruit).

En cas de démembrement cogéré :

  • Au décès de l’usufruitier, l’usufruit s’éteint naturellement, et le nu-propriétaire devient plein propriétaire sans acquitter de droits de succession.
  • Ce transfert direct est encadré par l’article 587 du Code civil.

Pourquoi opter pour une clause bénéficiaire démembrée ?

  1. Protéger l’usufruitier : lui garantir l’accès aux capitaux ou aux fruits d’un placement.
  2. Préserver les héritiers : via la créance de restitution ou la pleine propriété automatique, selon le mécanisme choisi.
  3. Optimiser la fiscalité : en réduisant les droits de succession ou en les évitant.

Pour sécuriser ce type de dispositif, il est recommandé de formaliser les conditions dans une convention de démembrement. Celle-ci doit définir les droits et obligations de chacun (notamment pour encadrer l’utilisation des capitaux et garantir leur restitution).

Conclusion : La clause bénéficiaire démembrée est une solution adaptée pour protéger un bénéficiaire tout en garantissant la transmission d’un patrimoine. Néanmoins, sa mise en place nécessite une réflexion approfondie et une expertise juridique et fiscale pour en maximiser les avantages.